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La Toussaint, Halloween, et la fête des morts

Dans cette chronique nous accueillons Laurent Chancerelle, chef d’entreprise, à la tête de deux agences de Pompes funèbres à Vannes et à Saint Avé et Sylvestre Jardin, professeur d’histoire au Lycée St Paul de Vannes

A l’approche de la Toussaint et d’Halloween beaucoup de personnes se posent la question sur la signification de ces fêtes. Pour commencer, que fête-t-on exactement à cette période de l’année ? Ces deux fêtes semblent si différentes.


Effectivement, à cette période de l’année, on fête deux événements qui, bien que très différents dans leurs origines, ont fini par se côtoyer. La Toussaint, le 1er novembre, est une fête chrétienne qui honore tous les saints, qu’ils soient connus ou inconnus. Le lendemain, le 2 novembre, est dédié aux défunts, où les familles se rendent traditionnellement au cimetière pour rendre hommage à leurs proches. Quant à Halloween, elle tire ses origines d’une fête celtique beaucoup plus ancienne, Samhain, qui marquait la fin de l’été et le début de l’hiver.


Halloween a donc des racines très anciennes ?


Laurent Chancerelle : Exactement. Halloween, qui est célébrée la veille de la Toussaint, trouve ses origines dans la fête païenne de Samhain, célébrée par les Celtes. Cette fête marquait une période de transition, où l’on croyait que les frontières entre les vivants et les morts s’effaçaient. C’était une fête où l’on conjurait la peur des esprits avec des rituels, comme des feux et des déguisements, afin de se protéger des revenants. D’ailleurs, ce sont ces déguisements et cette ambiance sombre que l’on retrouve aujourd’hui dans Halloween, avec les costumes effrayants et les citrouilles.


Comment cette fête païenne s’est-elle transformée pour devenir Halloween ?


C’est une évolution progressive. Comme souvent avec le christianisme, l’Église a intégré certaines traditions païennes dans son calendrier. Au VIIIe siècle, le Pape Grégoire III a déplacé la Toussaint au 1er novembre, une manière de christianiser cette période de célébrations païennes. Halloween, qui signifie « All Hallows’ Eve » (la veille de la Toussaint), a peu à peu évolué. La peur des esprits a été remplacée par la vénération des saints, et les anciens rites celtiques ont fusionné avec les célébrations chrétiennes. Aujourd’hui, Halloween est beaucoup plus ancrée dans la culture populaire, surtout dans les pays anglophones, mais ses racines restent profondément liées à Samhain.


Et alors, la Toussaint, est-ce une fête pour les morts, ou pour les saints finalement ?


C’est une question que beaucoup se posent. En réalité, la Toussaint, le 1er novembre, est destinée à honorer les saints, pas spécifiquement les défunts de nos familles. Ce jour-là, l’Église catholique célèbre tous ceux qui ont atteint la sainteté. Le 2 novembre, c’est la Commémoration des fidèles défunts, le jour où l’on se recueille sur les tombes de nos proches. Les gens associent souvent la Toussaint aux visites au cimetière, mais techniquement, cette tradition devrait plutôt être liée au 2 novembre.


Et que diriez-vous du rapport entre ces fêtes et notre vision moderne de la mort ?


Les deux fêtes, malgré leurs différences, expriment un rapport très humain à la mort. D’un côté, Halloween nous permet d’apprivoiser la peur de la mort à travers l’humour, les déguisements, et une certaine légèreté. De l’autre, la Toussaint et la fête des morts sont des moments de recueillement, où l’on honore ceux qui nous ont précédés et où l’on garde vivante leur mémoire. Ces deux manières de vivre la mort – par la célébration ou par la prière – reflètent des facettes différentes, mais complémentaires, de notre rapport à cette réalité inévitable.


Comment percevez-vous cette cohabitation entre une fête chrétienne et une fête plus commerciale comme Halloween ?


Je pense que cette cohabitation montre la richesse et la diversité des façons dont les sociétés peuvent aborder la mort. Halloween, bien qu’elle soit aujourd’hui très commerciale, tire ses racines d’une peur ancestrale que les gens cherchaient à maîtriser à travers des rituels. La Toussaint, quant à elle, est plus tournée vers l’espoir, la prière et l’au-delà. Il n’y a pas de contradiction profonde entre ces deux fêtes, elles répondent à des besoins humains différents : d’une part, se réconcilier avec la mort et la rendre presque ludique, d’autre part, lui accorder un respect solennel.


En conclusion, comment pourrait-on retrouver le sens profond de ces fêtes dans notre quotidien aujourd’hui ?


Il me semble que, malgré la modernité et la commercialisation, ces fêtes nous rappellent des vérités profondes. Halloween, à sa manière, nous rappelle la fragilité de la vie et la peur qu’elle peut susciter. La Toussaint et le 2 novembre nous invitent à nous tourner vers l’éternité, à faire mémoire de ceux qui ne sont plus là, mais dont la présence continue de résonner en nous. Si nous voulons retrouver le sens de ces fêtes, il suffit peut-être de prendre un moment pour réfléchir à ces questions essentielles, au-delà des citrouilles et des rituels.